Par Edith de Belleville

La vie dans l’ombre de la Parisienne, une femme parfaite

(English) Pendant des siècles, la Parisienne lambda a dû s’efforcer d’être à la hauteur de l’image parfaite de la femme française. Dans son exploration sur le mythe parisien, Édith de Belleville marie le passé au présent.

« Être raffinée, au 17e siècle cela signifiait également être élégante… et mince. Les Français ont créé, à l’image de Louis XIV, la théâtralisation de soi, en dehors de l’espace privé. La cour à Versailles est devenue un théâtre permanent, exactement comme l’est aujourd’hui la rue parisienne pour les Parisiens. Les Français ont également développé leur passion pour la mode. Il n’est donc pas surprenant que le premier journal de mode soit français (« Le Mercure Galant » créé à Paris en 1672). Au 17e siècle, ce journal était plus populaire en Europe que ne le sont aujourd’hui Vogue ou Harper’s Bazaar dans le monde.

Si vous regardez avec attention les gravures de mode qui sont dans le Mercure Galant, vous remarquerez que la Française du Grand Siècle était non seulement une véritable victime de la mode mais était également mince. Pas de doute qu’être mince, même au 17e siècle, était plus élégant qu’être gros. » Extrait de L’image parfaite de la Parisienne: un lourd héritage à assumer (1ère partie) par Édith de Belleville.

La Parisienne n’est pas seulement l’image glacée d’une gravure de mode chic et fragile perchée sur des talons hauts. Être Parisienne c’est aussi une attitude dans la vie. L’unique, violente et sanglante histoire de Paris a construit l’âme de la Parisienne qui a une forte personnalité et qui est fière de sa ville pour laquelle elle s’est battue.

La Parisienne est franche. Elle peut être quelquefois gouailleuse et rebelle comme les chanteuses Édith Piaf et Juliette Greco. Elle peut être aussi bourgeoise et conservatrice comme l’actrice Catherine Deneuve et Fanny Ardant. Elle a toujours l’esprit vif et déteste la perfection parce que la perfection c’est ennuyeux. Alors au lieu d’essayer d’être parfaite, la Parisienne préfère exprimer sa personnalité grâce à son style de mode et son attitude dans la vie.

Au 19e siècle, avant l’invention de la photographie il y eut les peintres français. Les peintres Impressionnistes, tous parisiens, ont fait la promotion à travers le monde d’une Parisienne icône de la mode. Claude Monet, Auguste Renoir et Edgar Degas ont tous peint l’élégante et hiératique Parisienne de la bourgeoisie. Vous pouvez l’admirer, avec sa fantastique robe du premier couturier, l’Anglais mais si Parisien, Worth. Les Impressionnistes ont également représenté la fraîche et joyeuse Parisienne de la classe ouvrière qui s’amuse le week-end en bord de Seine près de Paris. Édouard Manet avait une fascination pour la Parisienne. Il a peint beaucoup de Parisiennes fières et pleine d’allure. Grâce à son talent, nous pouvons découvrir un magnifique chapeau, le tissu délicat et multicolore d’une robe de soie, une paire de gants scintillants et des rubans. Bien sûr, Manet a aussi l’art de suggérer le corset très serré de cette femme élégante à la taille si fine et si sexy (voir les tableaux : La femme et le Perroquet 1868, La femme au Balcon 1868 et Le chemin de fer 1873).

Même les écrivains français ont fait la gloire de la Parisienne. Dans le livre de Zola Pot bouille (1882), le héros Octave Mouret n’a qu’un seul but dans la vie : conquérir « La Parisienne ». Émile Zola écrit que « La Parisienne est une attraction touristique au même titre que La Tour Eiffel ». Honoré de Balzac a également déclaré que : « La toilette est l’expression de la société, la toilette est tout à la fois un art, une science, une habitude et un sentiment ». En 1900 a eu lieu à Paris l’exposition internationale qui a attiré des millions de touristes du monde entier. Et bien, tout en haut de l’immense porte d’entrée de l’exposition, c’est encore une gigantesque statue représentant une gracieuse Parisienne qui accueillait les nombreux visiteurs. Et qui pourrait oublier l’incroyable aristocrate Parisienne de la Belle Époque, la très chic, très snob et très belle Oriane, duchesse de Guermantes, si bien décrite par Marcel Proust dans son livre « À la recherche du temps perdu » ? Le modèle de cette femme fascinante, élégante, belle, raffinée et excentrique est la très Parisienne Comtesse de Greffulhe qui a hypnotisé Marcel Proust. Son style inimitable et sa personnalité fantasque ont inspiré les plus grands couturiers de Paris. Elle est tellement présente dans nos mémoires que le musée de la mode de Paris, le Palais Galliera, lui consacrera une exposition en novembre 2015.

Puis sont arrivées les années folles et ses Parisiennes mythiques : Coco Chanel, qui créa « la petite robe noire » et qui libéra la femme grâce à ses vêtements modernes et révolutionnaires. Puis Kiki de Montparnasse, qui fut la muse charismatique des artistes les plus talentueux des années 1920. Ces deux femmes célèbres devinrent le symbole d’une Parisienne libre, qui choisit ses vies et ses amours.

Puis dans les années 1960, des actrices françaises, comme la blonde Brigitte Bardot et la brune Jeanne Moreau, donnèrent l’image d’une femme française avec du tempérament, du charme et du sex-appeal.

Finalement, la Parisienne d’aujourd’hui ne fait que s’inspirer et suivre les traces de ce que ses flamboyantes ancêtres ont fait avant elle : apprécier un certain art de vivre en étant élégante et unique.

En mai 2015, l’iconique Parisienne, Inès de la Fressange, était l’invitée du magazine « Elle » pour dévoiler les secrets de son style. En 2009, elle a été élue « Parisienne de l’année » par les français. Elle a même écrit un guide de la Parisienne qui est devenu un best-seller dans le monde. Inès de la Fressange dit qu’elle a écrit ce livre car elle était lassée de devoir toujours répondre aux mêmes questions des journalistes « Quels sont vos secret de beauté et de style ? ». Inès de la Fressange a 57 ans et a commencé sa carrière de mannequin chez Chanel en 1977. Elle n’est clairement plus de la prime jeunesse, elle est très grande, très mince et androgyne. Il y a beaucoup de mannequins et actrices françaises qui sont plus jeunes et plus attirantes qu’elle. Mais pour les Français, elle est le symbole de la Parisienne car elle a du tempérament, de l’humour, elle est sympathique, franche, espiègle et a toujours beaucoup de style sans être trop sophistiquée. Elle est même devenue le nouveau visage des produits de beauté de la marque française L’Oréal. Inès de la Fressange est un excellent exemple pour toutes les femmes d’un « certain âge » qui refusent de recourir à la chirurgie plastique pour rester présentable.

J’étais curieuse de connaître l’avis des femmes étrangères sur la femme française et la Parisienne. Alors j’ai tapé sur internet « la Parisienne».

J’ai alors lu des articles dithyrambiques qui répétaient ce que j’avais déjà lu dans tous ces livres écrits par les auteurs américaines. Mais j’ai aussi découvert de nombreux articles écrits par des femmes nord-américaines qui disaient que c’était une mauvaise idée pour les américaines de suivre l’exemple de la Française. Ces femmes expliquaient que si les femmes françaises sont si minces c’est parce que la France est un pays sexiste qui exige des Françaises d’être svelte uniquement pour plaire aux hommes. Et ces mêmes écrivains anglophones de conclure que mieux vaut être une Américaine potelée qui porte des pantalons de survêtement mais qui est libre, qu’une petite chose fragile française qui est mince mais qui obéit à la dictature de la minceur.

Elles n’ont pas tort. Les françaises sont minces. Ce sont même les plus minces d’Europe.

En octobre 2013, une étude statistique a démontré que parmi 13 pays européens, la Française est la plus légère d’Europe (étude de l’INED dans la revue « Population et Sociétés »). La Britannique et l’Allemande sont les plus lourdes d’Europe… Mais la Française est celle qui veut le plus perdre du poids. C’est vrai qu’il existe une forte pression sociale en France pour être mince. Mais désolée de décevoir quelques femmes nord-américaines, mais mes nombreuses amies françaises et moi, nous ne sommes pas minces pour plaire à nos amants français.

Nous sommes minces pour nous plaire. C’est peut-être aussi bon pour votre égo, votre santé physique et mentale d’être mince, vous ne croyez-pas ? Les Françaises sont aussi féministes que leurs sœurs Américaines, mais elles ne le montrent pas de la même façon. C’est encore une autre différence culturelle.

Il existe beaucoup de livres écrits par les Anglo-Saxons pour expliquer le paradoxe français. Comment font les Français pour être si mince en mangeant du pain et du beurre, des croissants, des plats riches en sauce, des fromages caloriques, de délicieuses pâtisseries et en plus boire du vin ?

Le lien entre les Français et la nourriture est également culturel. Les Français raffinés du 18e siècle pensaient déjà que la nourriture est comme l’amour, une part importante des plaisirs de la vie.

En outre, c’est une question d’éducation. Tous les enfants français sont éduqués pour goûter toute sorte de nourriture. Dans chaque école française (pour les enfants de 5 à 18 ans) un diététicien élabore avec beaucoup de sérieux le menu du déjeuner que mangeront les enfants à la cantine. Le menu de la cantine est affiché près de l’école mais toujours à l’extérieur, de telle sorte que les parents puissent vérifier ce que leurs enfants auront à l’heure du déjeuner. Si vous passez près d’une école en France, allez jeter un coup d’œil au menu que propose l’établissement scolaire. Vous découvrirez alors que le menu de la cantine est un miracle d’équilibre alimentaire que je ne suis même pas sûre de pouvoir reproduire chez moi. Je ne suis pas certaine que tous les enfants aiment les poireaux et qu’ils ne leur préfèrent pas les frites. Mais ils doivent en tous cas goûter aux poireaux ne serait-ce qu’une fois.

De plus, depuis 26 ans, il existe dans toutes les écoles françaises « la semaine du goût ». Cette initiative culinaire a été créée par des cuisiniers français et le populaire journaliste gastronomique, Jean- Luc Petitrenaud. Chaque année, en octobre, les instituteurs et les cuisiniers apprennent aux enfants à découvrir de nouveaux goûts.

En octobre 2014 une loi a même été votée par les députés pour interdire le ketchup dans les cantines françaises en raison de l’adjonction de sucre dans cette fameuse sauce. Nos voisins britanniques ont été très choqués que les enfants français soient punis et privés de ketchup dans leur assiette. Mais en France personne ne s’est plaint de cette nouvelle règle diététique et tout le monde l’a acceptée car le ketcchup est plein de sucre et cache le goût des aliments.

Pour en revenir aux Françaises, elles ne grossissent peut-être pas car elles ont probablement une meilleure relation à la nourriture que les Américaines. Les Français ne considèrent pas la nourriture comme une ennemie mais comme une amie. Les cafés et les restaurants sont une institution en France.

L’histoire de la littérature française s’est construite dans les cafés. Au 18e siècle les nombreux cafés du quartier du Palais Royal étaient le centre de la vie sociale à Paris. On imagine Sartre et Beauvoir écrivant devant leur café-crème dans le mythique café de Flore situé à Saint-Germain des Prés. On n’imagine pas Simone de Beauvoir déambuler dans les rues de Paris avec son café-latte dans un gobelet en carton de chez Starbuck’s. Une femme française préfère apprécier son expresso assise dans un café et prendra son temps pour savourer un bon repas.

Les femmes françaises ne sont pas meilleures que les femmes américaines. Elles sont justes « différentes ». Et dans un monde globalisé plein de magasins Zara, H&M, et Gap, c’est peut-être une bonne chose d’être une femme différente.

L’image parfaite de la Parisienne : un lourd héritage à assumer (1 ère partie) publié sur A Woman’s Paris®.

Remerciements : Julie Valdre, étudiante en Master Traduction anglais-chinois à l’Université Paul Valéry Montpellier et traductrice pour A Woman’s Paris.

Edith Belleville #3 cropp 197x300Edith de Belleville, guide touristique à Paris, est française et parisienne jusqu’au bout des doigts. Tous les derniers vendredi du mois, elle donne des conférences en anglais sur la culture française, dans le célèbre Café de la Mairie (8, Place Saint Sulpice). C’est près du lieu de naissance d’Édith Piaf qu’elle est née, à Belleville, à plusieurs décennies près. Édith a étudié le droit à la Sorbonne pendant 5 ans, d’où elle sortie diplômée en droit privé. Après s’être découvert une passion pour les langues, elle a suivi des études en linguistique. Cela cadre particulièrement bien avec son don pour la conversation et, pour Édith, tous les prétextes sont bons pour pratiquer cet art. Quelques années plus tard, elle a obtenu le diplôme de professeur de français à l’Université de Bourgogne ce qui lui a non seulement permis de satisfaire son appétit pour la linguistique mais également pour les vins de Bourgogne.

Par la suite, Édith est revenue à Paris pour enseigner le français et la culture française à des personnes anglophones et sinophones. Elle parle également l’espagnol couramment. Pour plus d’information, rendez-vous sur : (Website) (edithsparis@yahoo.com)

You may also enjoy A Woman’s Paris® post, Marianne: National emblem of France, by Canadian writer Philippa Campsie who tells about Marianne, the feminine symbol of liberty and republicanism in France. Originally, images of Marianne were created using anonymous models, but modern depictions have featured famous French beauties, such as Brigitte Bardot, Mireille Mathieu, Catherine Deneuve, fashion designer Inès de la Fressange, among others.

The Child Madeline, by writer and educator Natalie Ehalt who shares her love of Madeline and brings a deserved respect for girls and children worldwide. Including excerpts from Mad About Madeline: The Complete Tales, by Ludwig Bemelmans.

Falling in love: a tale of French design by Parisienne Bénédicte Mahé. It was June 2013, not even a month after I started working at Les Ateliers de Paris, and I was looking at the creations of previous residents when it popped up: the Branch! I do not know what drew me to it. Maybe it was its clean lines, its organic shape… But it was love at first sight and it never left my heart. From that time on, I decided I would get it when the time came… 

Vive La Femme: In defense of cross-cultural appreciation. Writer Kristin Wood finds Francophiles around the world divided by Paul Rudnick’s piece entitled “Vive La France” in the New Yorker magazine. As is often the case with satire, there is a layer of truth to the matter that is rather unsettling. Including comments from readers worldwide. (French)

The French Finesse and the Hermès Scarf by Christine Graf who asks, “What is it about the French? She’ll put on a scarf and twist it carelessly and she comes out looking elegant. Or she wraps a belt around and voilà—instant chic.” Including John Jannuzzi’s video I Love My Scarf by Hermès and a book review of The Hermès Scarf: History & Mystique by Nadine Colendo.

Children fashionistas: Why French children dress better than you do. French au pair Alyssa Glawe tells that a child’s clothes in France are more than just something to cover the body. “It’s safe to say that, French parents would never put an item of clothing on their child that they would not wear themselves,” she writes “Comfort is important, but in all truth, it’s really about the fashion.” Including a list of children’s labels and websites.

French Lingerie: Mysterious and flirty, by Barbara Redmond who shares her experience searching for the perfect lingerie in Paris boutiques and her “fitting” with the shop keeper, Madame, in a curtained room stripped to bare at Sabbia Rosa. Including a French to English vocabulary lesson for buying lingerie and a directory of Barbara’s favorite lingerie shops in Paris. (French)

Photo-ready in Paris: not what you might expect. Barbara Redmond takes you from Café de Flore to rue Bonaparte to Place de Furstenberg in Paris as fashion photographer and author Frédérique Veysset’s Nikon clicked frame after frame, shooting faster and a lot, in the action without posing. Fixing on a place and time that was Paris. (French)

Text copyright ©2015 Edith de Belleville. All rights reserved.
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