Maison, by Michelle Schwartzbauer

Michelle Schwartzbauer

Par Jacqueline Bucar

(English) Intéressant, non ? Pourquoi diable voudriez-vous enseigner le français ? En général, les réponses vont bon train entre ceux pour qui apprendre une langue n’est qu’une perte de temps (après tout, nous, Américains, nous pouvons voyager 6000 miles et toujours parler la même langue) et ceux pour qui l’espagnol est la seule langue à apprendre (il faut dire que le Mexique est juste à côté). Cette vision, pour le moins étriquée, ne représente pas seulement une certaine limitation au niveau personnel mais reflète aussi un sérieux problème de compréhension culturelle. 

Une langue ne se réduit pas au vocabulaire et à la grammaire, c’est bien plus que ça. Les langues représentent une certaine façon de penser, une « mentalité » qui aide à mieux comprendre les personnes qui la parlent et leur culture. Les mots d’une langue sont le reflet d’une certaine façon de penser. Quand j’enseignais le français, je ne disais pas simplement que « maison » signifiait « house ». Qu’est ce qu’une maison ? A quoi vous pensez quand vous entendez les mots « house » ou « home » ? Un toit en bois ? Un grand jardin ? Une vue sur la rue ? Des maisons attenantes ? 300 mètres carré ? Les maisons françaises sont généralement faites en pierre. Elles sont entourées d’un mur et, dans la plupart des cas, on ne peut pas voir au-delà. Mes étudiants me répondaient : « Ca sonne exactement comme une prison ». Mais non ! Derrière ce mur d’enceinte se cache de magnifiques jardins. Les maisons sont souvent dotées de portes-fenêtres (les fameuses « French doors »). Pourquoi est-ce si important, me direz-vous ? Parce qu’en France, la famille est importante et le monde extérieur est hostile. C’est la famille qui vous protège. Les grandes fenêtres sans rideaux laissent entrer l’air frais et permettent d’admirer le ciel. Evidemment, les Français n’ont pas délibérément construit leurs maisons de façon si philosophique (bien qu’ils aimeraient le penser : la philosophie fait partie de la culture française, dans les films mais surtout dans les conversations). Quand mes amis français viennent me rendre visite aux Etats-Unis, ils sont toujours étonnés (voire choqués) de voir que l’on peut voir l’intérieur d’une maison depuis la rue ! Imaginez leur surprise quand ils ont remarqué qu’il n’y avait aucun rideau ou store et qu’on pouvait littéralement voir tout ce qui se passait à l’intérieur des maisons !

Dans la ville, on retrouve cette opposition entre extérieur froid et intérieur douillet. A Paris, les immeubles sont dotés de lourdes portes avec un code pour entrer. Une fois à l’intérieur, on y trouve souvent une petite cour au centre du bâtiment avec des arbres, des fleurs et des plantes alors que dehors, dans la rue, on ne voit qu’une façade et une grande porte.

L’étude des langues et des cultures est fascinante pour bien d’autres raisons, surtout lorsque l’on compare nos propres valeurs culturelles à celles d’autres régions ou pays. Par exemple, les Américains sont très ouverts, ils n’hésitent pas à parler à des inconnus, à inviter les gens chez eux, à rencontrer de nouvelles personnes et à s’en faire rapidement des amis. En France, l’amitié se mérite. Ainsi les Américains (les jeunes) diront de quelqu’un qu’il est leur meilleur ami même s’ils ne le voient que de temps en temps. En France, on parle de copains, camarades, connaissances et bien sûr des amis. J’adore le fait que le mot “ami” ait la même étymologie que le mot “âme”. Un ami, c’est une âme soeur. Les autres sont juste des connaissances ou des camarades de classe. Vous pouvez aller au cinéma ou boire un verre avec un copain ou une connaissance mais vous ne lui confierez pas forcément vos peurs et vos soucis.

Mon exemple préféré du mélange des langues et des cultures me vient d’une conversation que j’ai eue avec une jeune fille française de 16 ans qui visitait les Etats-Unis pour la première fois. Elle rentrait tout juste d’une journée de shopping et était toute excitée. Elle portait son nouveau jean, “comme une Américaine” dit-elle en souriant. J’ai remarqué son T-shirt auquel elle avait fait un noeud et son collier en or. Pas vraiment l’Américaine typique que je connaissais ! Je lui ai demandé pourquoi elle portait son T-shirt comme ça. Elle m’a regardé, les yeux grands ouverts : “Bien sûr, sinon ça ferait négligé !”. J’ai adoré le mot “négligé” (“sloppy en anglais). En droit, la négligence  est la conséquence d’une action qui enfreint l’obligation de diligence. Donc être “sloppy” en français veut dire que l’on enfreint le devoir d’être bien habillé. Cette épisode s’est déroulé il y a quelques années déjà et pourtant je me suis retrouvée dans la même situation l’année dernière en discutant avec une étudiante en droit française qui venait de Bretagne. Elle adorait les Etats-Unis mais disait qu’elle refuserait toujours de porter des bas de pyjamas dans la rue ou de mettre des UGGs qui, selon elle, n’étaient pas très féminins. Aux Etats-Unis, les gens font plus attention à leur confort qu’à leur style alors que pour cette jeune Française, paraître élégante et non négligée était primordial.

Donc, pour ceux qui doutent et qui pensent qu’apprendre une langue étrangère est inutile, je ne cesserai de dire que l’apprentissage d’une langue étrangère et d’une culture stimule notre façon de penser et d’apprendre et élargit notre compréhension du monde et de nous-mêmes.

Remerciements : Nous remercions les personnes qui ont contribué à cet article : Suzy Keller, traductrice diplômée de l’ITI-RI, Timothy Wilkerson, docteur et chef de service de français a l’Université de Wittenberg. Sara Horsley, traductrice à A Woman’s Paris, étudiante du français et de la danse à l’Université de Wittenberg, Elyse Rozina traductrice à A Woman’s Paris, étudiante du français et de l’italien à l’Université de Minnesota Twin Cities et Allison Haberstroh, rédactrice à A Woman’s Paris, étudiante du français et de l’anglais à l’Université de Minnesota Twin Cities.

Jacqueline Bucar Photo #1

Jacqueline Bucar est une ancienne enseignante de français de lycée, qui a enseigné le français à différents niveaux pendant 16 ans avant de quitter ce poste pour poursuivre une carrière en droit. Actuellement, elle enseigne le français à l’Osher Life Long Learning Institute à l’Université de Southern Maine et elle est avocate spécialisée en droit des étrangers à New Haven, CT. Jacqueline a obtenu sa licence à l’Université de Connecticut, sa maîtrise de “Liberal Studies” à l’Université de Wesleyan ainsi qu’un doctorat en droit à l’Université du Connecticut. Depuis plus de 10 ans, Jacqueline a été désignée par ses confrères comme l’une des Best Lawyers in America® (meilleur avocat aux États-Unis). Par ailleurs, elle a été désignée comme étant une Super Lawyer® dans le Connecticut et à New York ; et Who’s Who in Corporate Immigration Lawyers. Malgré sa réorientation professionnelle, Jacqueline est une vraie francophile et elle essaie de passer autant de temps que possible dans son pays d’adoption, la France.

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Text copyright ©2013 Jacqueline Bucar. All rights reserved.
Illustration copyright ©2013 Michelle Schwartzbauer. All rights reserved.
Illustrations copyright ©Barbara Redmond. All rights reserved.
barbara@awomansparis.com