Par Edith de Belleville

Girl Purse #1a signed croppedLa vie dans l’ombre de la Parisienne, une femme parfaite

(English) Il y a deux ans je me suis rendue à la bibliothèque, américaine de Paris pour y écouter une Américaine parler de son livre: « Oh là là …French secret beauties » de Jamie Cat Callan.

Cette femme charmante expliquait à un public majoritairement, anglophone et francophile combien les Françaises étaient des femmes formidables, toujours élégantes, toujours sexys et toujours raffinées. Quand l’animateur a demandé si le public avait des questions à lui poser, tout le monde était d’accord pour déclarer que la femme française était un merveilleux modèle à suivre pour les autres femmes. Tout le monde… Sauf moi.

Je me suis levée et j’ai dit : « Je n’ai pas de questions à poser mais un commentaire à faire : je suis agacée par tous ces livres sur les Françaises et les Parisiennes dans lesquels on peut lire, que les Françaises sont parfaites. Comme vous pouvez l’entendre à mon accent, je suis française et à en croire tous les titres des livres écrits par les Américaines sur nous, moi qui suis Française :

  • Je ne grossis jamais (du livre Ces Françaises qui ne grossissent pas, par Mireille Galliano) ;
  • Je suis une déesse du sexe (du livre What French Women Know: About Love, Sex, and Other Matters of the Heart and Mind, par Debra Ollivier [Ce que savent les femmes françaises sur l’amour et le sexe]) ;
  • Je suis une femme fatale (du livre Fatale comment font les Françaises, par Edith Kuntz) ;
  • J’ai deux amants (Deux amants et un rouge à lèvres de Helena Fritz-Powell) et, bien sûr, je ne dors jamais seule (Les Françaises ne dorment jamais seules, les secrets pour trouver l’amour par Jamie Cat Callan) ;
  • Je suis toujours chic et j’assortis toujours mes dessous même quand je vais jeter mes poubelles à minuit (Lessons from Madame Chic: 20 Stylish Secrets I Learned While Living in Paris de Jennifer Scott [Secrets de Madame Chic], et Forever Chic: Frenchwomen’s Secrets for Timeless Beauty, Style, and Substance, de Tish Jett [Toujours chic]) ;
  • Et non seulement je suis « l’Amante parfait » bien que j’ai des enfants, mais en plus, je suis la meilleure mère du monde ! (French Children Don’t Throw Food par Pamela Druckerman [Les enfants français ne jettent pas la nourriture]).

« Vous savez quoi ? dis-je en souriant, ça fait un peu beaucoup pour une seule femme… Même pour moi ! Je suis sincèrement désolée pour les Américaines, ajoutai-je et, si j’étais américaine, je détesterais les Françaises.

Vous remarquerez cependant que tous ces livres et articles écrits sur le mythe de la femme française ont été écrits par des Américaines. Aucune Française ne serait assez arrogante pour prétendre apprendre aux autres femmes du monde comment se comporter dans la vie, dis-je pour conclure ».

Sur le chemin du retour, alors que je marchais dans la nuit, je me suis mise à réfléchir :

« Je suis une femme d’âge moyen, je suis née à Paris et j’y ai été élevée, j’ai deux enfants qui ont toujours vécu à Paris. Bien sûr, c’est flatteur d’être vue par le monde entier comme un symbole sexuel et un modèle pour les autres femmes, même si mon poids est probablement le double de celui de la sexy Carla Bruni (qui est d’ailleurs italienne…). D’un autre côté, je comprends parfaitement comme cela doit être agaçant pour une étrangère qu’on lui dise qu’elle doit être aussi mince et aussi élégante que la femme française.

Alors que j’admirais le symbole de Paris, l’élégante Tour Eiffel qui scintillait dans le noir, je me suis alors demandé : « Pourquoi cette image mystique de la femme française existe t-elle ? Pourquoi tout le monde a cette vision de la parisienne d’une femme toujours mince, élégante avec un « je ne sais quoi » dans son allure ? Est-ce un mythe ou une réalité ? Et d’où vient cette image parfaite de cette fascinante femme ?

D’accord, je ne suis pas Claude Levi-Strauss, le fameux anthropologue et ethnologue français. Et la Parisienne n’est pas l’indien d’Amazonie que Levi-Strauss a décrit dans ses livres. Mais je pense que l’image répandue de « La Parisienne » est d’abord une image culturelle et historique.

Tout vient du « Grand Siècle ». Le « Grand Siècle » est le temps glorieux du roi français Louis XIV. C’est au cours du 17e siècle que la France a connu ses plus talentueux architectes, décorateurs d’intérieurs, paysagistes (André Le Nôtre), écrivains et philosophes (Molière, Pierre Corneille, Jean de la Fontaine, Jean Racine, René Descartes etc…). Grâce à l’impulsion du brillant Roi Soleil, Louis XIV et de son génial premier ministre, Jean-Baptiste Colbert, la France est devenue le modèle Européen du bon goût. Le merveilleux Château de Versailles a été copié 28 fois (toutes les copies n’ont pas été terminées…). De Stockolm à Saint-Petersbourg, toute l’élite européenne voulait parler français et s’habiller comme les aristocrates français.

Et les femmes françaises dans tout ça ?

Au 17e siècle, une aristocrate à Paris ne pouvait pas rencontrer ses copines au Mc Donald’s pour bavarder et parler de la mode et des hommes. Il leur a donc fallu créer leur propre salon littéraire, chez elles, pour recevoir la « crème de la crème » des écrivains français. C’est exactement ce qu’ont fait les nobles françaises telles que la Marquise Catherine de Rambouillet ou Madame de La Fayette, la fameuse femme de lettres. Ce sont les Parisiennes du 17e siècle qui ont inventé quelque chose de très français et de toujours très actuel en France : « l’Art de la conversation ».

Les Françaises n’étaient pas autorisées à être éduquées comme l’étaient les hommes et ne parlaient donc pas le latin. Ainsi, lorsqu’elles parlaient culture elles ne s’exprimaient qu’en français. Ce sont les femmes françaises qui ont modernisé la langue française. Les Parisiennes du 17e siècle ont également codifié dans leur salon les rapports entre hommes et femmes. Ces jeunes femmes raffinées ont enseigné aux rustres chevaliers de la noblesse française comment être aimable, galant et délicat avec une femme. Ces salons littéraires sont devenus des écoles d’élégance que Louis XIV a importé à Versailles.

Mais il faut plus que des mots pour séduire un homme ou une femme.

Être raffinée au 17e siècle, cela signifiait également être élégante… et mince. Les Français ont créé, à l’image de Louis XIV, la théâtralisation de soi, en dehors de l’espace privé. La cour à Versailles est devenue un théâtre permanent, exactement comme l’est aujourd’hui la rue parisienne pour les Parisiens. Les Français ont également développé leur passion pour la mode. Il n’est donc pas surprenant que le premier journal de mode soit français (Le Mercure Galant créé à Paris en 1672). Au 17e siècle, ce journal était plus populaire en Europe que ne le sont aujourd’hui Vogue ou Harper’s Bazaar dans le monde.

Si vous regardez avec attention les gravures de mode qui sont dans Le Mercure Galant, vous remarquerez que la Française du Grand Siècle était non seulement une véritable victime de la mode mais était également mince. Pas de doute qu’être mince, même au 17e siècle, était plus élégant qu’être gros.

Puis est arrivé en France le Siècle des Lumières. Au 18e siècle, le philosophe écossais, David Hume a vécu pendant une longue période à Paris. Il fut chaleureusement accueilli par les Français et apprit à connaître et à aimer la France. Hume a écrit que les Anglais sont meilleurs philosophes que les Français, tout comme les italiens sont meilleurs musiciens et peintres que leurs voisins transalpins.

Mais Hume a également écrit que les Français sont les seuls au monde à avoir inventé un art parfait, le plus agréable et le plus subtil de tous les arts dans la vie : « l’Art de vivre ». David Hume explique ainsi que cet Art de vivre est le plaisir de parler et le plaisir de se montrer.

Un autre philosophe connu du 18e siècle est le Français Montesquieu. Il a rédigé un livre fondamental qui a fortement influencé le droit constitutionnel français et américain (De l’esprit des lois). Le sérieux Montesquieu a écrit dans ce livre que la France « est une nation vivante et gaie qui a l’esprit comme religion, qui adore théâtraliser sa vie et a une immense passion pour la mode. » Il a également insisté sur le rôle déterminant de la femme dans la société française.

Encore une fois, ce sont les femmes françaises, comme Madame Geoffrin et Madame du Deffand, qui ont créé à Paris les salons littéraires à la mode au 18e siècle. Dans ces salons intellectuels, de grands philosophes comme Voltaire, Denis Diderot et Jean d’Alembert, les Encyclopédistes, pouvaient débattre librement et critiquer le pouvoir royal. Ces parisiennes dotées d’une forte personnalité ont diffusé les idées des Lumières qui sont devenues les idéaux de la future Révolution française.

C’est aussi au 17e et au 18e siècle que les Français ont développé une conscience de l’esthétique, non seulement en art et en architecture, mais aussi dans leur vie quotidienne. C’est ce concept toujours vivant d’esthétisme qui explique pourquoi de nos jours les parisiennes sont conscientes qu’être élégante est une part importante de leur vie.

Je suis persuadée que l’environnement joue un rôle important dans la manière dont s’habille une femme. Paris a toujours été une immense source d’inspiration pour les artistes et tous les gens qui aiment la beauté. À Paris, même quand vous allez acheter une simple baguette de pain, vous êtes entouré par de beaux et majestueux immeubles. C’est la beauté de la ville lumière qui est la constante inspiration de l’élégante Parisienne. Déjà par le passé, « l’honnête homme » devait être en harmonie avec son environnement. La Parisienne moderne et chic d’aujourd’hui est donc tout simplement en harmonie avec sa magnifique ville.

Beaucoup de gens aiment Paris car c’est une ville romantique. Mais l’histoire de Paris n’a pas toujours été si romantique. Les Parisiens ont toujours dû se battre pour protéger leur ville. D’abord la population de Paris a dû se battre contre les nombreux envahisseurs dont les Vikings et les Anglais. Les Français ont toujours aimé la liberté. En janvier 2015, deux millions de Parisiens sont descendus dans la rue pour défendre cette liberté. Mais avant 2015, le Parisien est mort plusieurs fois au nom de la liberté.

  • Beaucoup de Parisiens sont morts en 1789, avec la Révolution française.
  • Puis il y a eu les sanglantes barricades à Paris en 1830 et en 1848 contre les dictatures.
  • En 1870, quand la ville de Paris fut isolée du reste de la France et encerclée par les Prussiens, des milliers de Parisiens sont morts de froid, de faim ou des suites de maladies.
  • Ensuite est arrivée la Commune de Paris et sa violente guerre civile qui a tué des hommes, des femmes et des enfants en 1871 et, plus tard, les guerres mondiales et l’invasion de Paris.

D’accord, mais quel est le lien entre l’histoire sanglante de Paris et le fait que la Parisienne soit chic et raffiné́e ?

L’image parfait de la Parisienne : un lourd héritage à assumer (2ème partie) publié sur A Woman’s Paris®.

Remerciements : Julie Valdre, étudiante en Master Traduction anglais-chinois à l’Université Paul Valéry Montpellier et traductrice pour A Woman’s Paris.

Edith Belleville #3 cropp 197x300Edith de Bellevilleguide touristique à Paris, est française et parisienne jusqu’au bout des doigts. Tous les derniers vendredi du mois, elle donne des conférences en anglais sur la culture française, dans le célèbre Café de la Mairie (8, Place Saint Sulpice). C’est près du lieu de naissance d’Édith Piaf qu’elle est née, à Belleville, à plusieurs décennies près. Édith a étudié le droit à la Sorbonne pendant 5 ans, d’où elle sortie diplômée en droit privé. Après s’être découvert une passion pour les langues, elle a suivi des études en linguistique. Cela cadre particulièrement bien avec son don pour la conversation et, pour Édith, tous les prétextes sont bons pour pratiquer cet art. Quelques années plus tard, elle a obtenu le diplôme de professeur de français à l’Université de Bourgogne ce qui lui a non seulement permis de satisfaire son appétit pour la linguistique mais également pour les vins de Bourgogne.

Par la suite, Édith est revenue à Paris pour enseigner le français et la culture française à des personnes anglophones et sinophones. Elle parle également l’espagnol couramment. Pour plus d’information, rendez-vous sur : (Website) (edithsparis@yahoo.com)

You may also enjoy A Woman’s Paris® post The Impossible Legacy of the Perfect Parisian Woman (part one) by Edith de Belleville, who is both French and Parisan to the core, unites the past and present in her exploration of the Parisian myth: the perfect French woman. The Parisian woman, writes Edith, is not just the cold image of a fragile and chic fashion plate on high heels. Being Parisian is a behavior in life. The unique, violent, and bloody history of Paris built the soul of the Parisian who has a strong personality and is proud of the beloved city she fought for.

French Impressions: Marilyn Yalom’s “How the French Invented Love” a tradition of courtly and romantic love that reaches back into the 12th century. Marilyn Yalom’s latest book, How the French Invented Love: Nine Hundred Years of Passion and Romance, shares condensed readings from French literary works—from the Middle Ages to the present—and the memories of her experiences in France. The French have always assumed that love is embedded in the flesh and that women are no less passionate than men.

“Not All Here” by Paula Butturini – A peripatetic American ex-pat finds that the familiarity of “home” is always slightly out of reach. Perhaps it’s the sea changes in American life that explains Paula Butturini’s unease. Who sent our factory jobs to the developing world while I was gone, our secretarial and administrative jobs to customers’ home computers? Whe did the poisonous party politics replace public discourse? Butturini returned to the United States in 2015, and after more than three decades away, where she lived and worked in London, Madrid, Rome, Warsaw, Berline and Paris.

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l’Américaine, by Parisian Eva Izsak-Niimura who writes about the myth of the unsophisticated and pathetically naïve American where book after book and article after article there is the lament of the hopeless quest of the American woman to resemble her French counterpart.

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What is a French Woman? by Canadian writer Philippa Campsie who writes about discovering Paris through its women. The vague undefined notion we have of Frenchness is at the very least empathically not English or North American. So the eternal mystery is not about appearances, as much as we may like to imagine that Frenchwomen look a certain way.

C’est normal!: the French philosophy and their genuine politeness. Dana Wielgus takes us on a journey through France—from Paris to Toulon—and successfully debunks the debatable stereotypes some Americans are fed about people of different cultures.

What’s in a Word? There’s more to French class than you thought. Jacqueline Bucar, French teacher and immigration attorney, invites us to stimulate a way of thinking and learning that expands our understanding of the world and ourselves through the study of a foreign language. She shares “what’s in a word,” a way of thinking, a “mentality” that helps define the people who speak it and their culture. (French)

Ballet Flats in Paris: And God made Repetto, by Barbara Redmond who shares what she got from a pair of flats purchased in a ballet store in Paris; a feline, natural style from the toes up, a simple pair of shoes that transformed her whole look. Including the vimeos “Pas de Deux Coda,” by Opening Ceremony and “Repetto,” by Repetto, Paris. (French)

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